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Étude des pâtes céramiques à la loupe

La couleur des pâtes céramiques et des revêtements éventuels sont des indications du mode de cuisson utilisé. L'observation à la loupe binoculaire permet d'identifier certaines traces liées à la technique de fabrication, d'observer l’aspect de la pâte ainsi que la taille, la forme, l’abondance et la couleur des inclusions/du dégraissant. Ces informations permettent d'effectuer une classification préliminaire des céramiques en fonction de critères techniques.

Ces groupes techniques mis en relation avec les groupes typologiques permettent bien souvent de se faire une idée de l'homogénéité des productions d'un atelier ou de la diversité des ateliers fournissant un site de consommation. C'est une étape préliminaire indispensable à la constitution d'un échantillonnage en vue d'analyses plus poussées.
Dans la pratique, on procède en étudiant successivement chacun des critères, ce qui permet de bâtir un tableau arborescent afin de hiérarchiser les arguments et de clarifier les critères de distinction entre les groupes.

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Dolium de Donzère Mondragon , vu à la loupe binoculaire au grossissement 10 X. La largeur du champ est de 13.6 mm. Les gros losanges blancs sont des cristaux de calcite

Pour plus de détails, voir les pages dédiées aux méthodes d’observation des pâtes céramiques dans :

Bonnet et al. 2019 : BONNET (C.), BATIGNE VALLET (C.), BRUN (C.), DELAGE (R.), MOTTE (S.), TEYSSONNEYRE (Y.) — « La céramique antique de deux établissements ruraux en territoire ségusiave : Grand’Plantes à Fleurieux-sur-l’Arbresle et Les Fourches à Lentilly (Rhône) », RAE, 2019, t. 68, p. 121 – 161.

 

Étude au microscope pétrographique

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Le microscope polarisant associé à un logiciel d’analyse d’images.

L'étape suivante de l'examen consiste à utiliser un système optique permettant de grossir l'image de la céramique et de déterminer, grâce à différents dispositifs de filtres, la nature des inclusions. L'étude d'une céramique au microscope permet de mieux caractériser la pâte en identifiant les inclusions et en mesurant leur abondance ainsi que leur distribution granulométrique.
Pour cela, une lame mince de céramique de 30 microns d'épaisseur doit être préparée en procédant par abrasion d'un fragment de céramique collé sur une lame de verre. La finesse de la lame permet de l'observer en lumière transmise.

 3 lames minces de céramiques (30 microns d'épaisseur)

On se trouve alors dans les conditions optimales d'observation des propriétés optiques des minéraux.
La détermination de la nature des minéraux nécessite d'étudier diverses propriétés optiques, les unes observables en lumière naturelle, les autres par le biais d'un dispositif de filtres polarisants sur le microscope

 ● Principe de la méthode

L'arrangement ordonné des atomes constituant les minéraux est perceptible par les formes géométriques parfaites des cristaux. Cet arrangement détermine des éléments de symétrie (centres de symétrie, plans de symétrie, axes de symétrie) qui vont être responsables de certaines propriétés de réfraction ou de diffraction de la lumière. Un microscope polarisant dispose, entre autres équipements, de deux filtres polarisants croisés qui vont permettre d'identifier les minéraux d'après leurs propriétés optiques.
L'observation d'une céramique en lumière naturelle (LN) permet d'observer la texture de la matrice argileuse, de remarquer les minéraux opaques, les minéraux colorés, de voir la forme caractéristique de certains minéraux, et d'observer la présence ou l'absence d'engobe ou de glaçure.
L'observation en lumière polarisée (LP) permet d'identifier la plupart des minéraux ou fragments de roche inclus dans la pâte et de visualiser la porosité de la céramique.

● La pâte et les inclusions

La texture de la pâte est définie par l'abondance des différents composants (matrice argileuse, trous, inclusions) et leur arrangement dans l'espace. Les termes suivants sont souvent employés : texture rubanée ou orientée lorsque l'on voit une orientation, granuleuse lorsque la proportion de grains est importante, fine lorsque la taille des grains est très faible, grossière lorsque les inclusions sont de grandes tailles, micacée lorsque les grains de micas sont bien visibles, poreuse lorsque le pourcentage de trous est important, lâche lorsque les pores sont de grandes tailles, compacte lorsque la porosité est très faible… Tous ces termes descriptifs restent cependant assez subjectifs et sont difficiles à utiliser pour comparer des descriptions de lames minces.

Les céramiques peuvent contenir tous types de minéraux et de fragments de roche. On définit des cortèges minéralogiques et pétrographiques qui comprennent les assemblages observés. La comparaison en fonction de la présence ou l'absence de certains minéraux permet de regrouper les céramiques qui se ressemblent le plus.
Dans le cas d'argiles d'altération, la fraction sableuse naturelle est le reflet direct de la roche-mère. Les grains, ont alors généralement des contours anguleux.

exemple de céramique vue en lame minceLame mince de céramique observée en lumière polarisée. On voit du quartz, des feldspaths, des baguettes de micas, des fragments de roches et des fossiles de foraminifères marins. (Largeur de champ : 3.5 mm)

Dans le cas des argiles sédimentaires, les minéraux observés sont le reflet du cortège minéralogique des massifs géologiques alimentant les sédiments. Les grains inclus dans la pâte peuvent alors être des minéraux isolés de tous types ou même des fragments de roches. Dans le cas d'argiles sédimentaires d'origine marine, les inclusions sont généralement fines et difficilement identifiables au microscope. Dans le cas des argiles alluviales, les cortèges minéralogiques observés sont très variés et peuvent être le reflet de la géologie de tout le bassin versant, les grains ont souvent des contours arrondis leur taille est variable selon les bancs.

Dans les cas favorables la présence de fragments de roches caractéristiques permet d’identifier la zone géologique où peut se trouver l’atelier de production.

Granulométrie

L'abondance des inclusions dans une céramique est très variable. En volume, certaines pâtes très fines en contiennent moins de 5 %, alors que, dans le cas de certaines céramiques communes ou d'amphores, le pourcentage peut aller jusqu'à 25%. Dans les dolia et les matériaux de construction, la proportion d'inclusions peut être encore plus importante et les grains de grande taille.
L'étude de la distribution des tailles de grains permet de se faire une idée de la nature du matériau argileux initial, d'identifier le dégraissant ajouté et de déterminer le mode de préparation de la pâte.

Groupes pétrographiques

L'étude au microscope polarisant fournit des informations sur la nature des inclusions qui permettent de répartir les céramiques en groupes, en fonction des critères de présence/absence des différents types de grains. Il est évident que cette méthode, très performante dans le cas des céramiques grossières et des amphores, l'est beaucoup moins pour les céramiques à pâte fine, où les grains de la fraction sableuse sont de trop petite taille pour être identifiés correctement.
La définition des caractéristiques minéralogiques et pétrographiques de chaque groupe permet d'en établir une description relativement précise. La capacité de distinction entre les différents groupes, supposés correspondre à différents ateliers, dépend évidemment de la diversité géologique d'une région. La répartition en groupes pétrographiques fait intervenir les critères de nature des grains et de granulométrie. C'est une méthode très efficace de tri des céramiques par types de pâte.