
Cette fouille est conduite par Benjamin Clément, chercheur associé du laboratoire pour le compte de SA Archéodunum.
Cette opération a lieu depuis le 3 avril sur la commune de Sainte-Colombe (Rhône) en préalable à la construction d’immeubles sur une parcelle de 5500 m². Le site est implanté dans un quartier suburbain de la ville antique de Vienne situé sur la rive droite du Rhône, en bordure de la voie de Narbonnaise et limité par le cours du fleuve. L’emprise vient border le prolongement du pont sud de Vienne, édifié à la période flavienne (69-96 apr. J.-C.). Les investigations ont révélé un quartier entier de la ville romaine de Vienne où se mêle espaces publics, riches demeures et espaces artisanaux. À l’origine prévue pour durer 6 mois, la fouille va être prolongée jusqu’au 15 décembre 2017 suite au classement du site en « découverte exceptionnelle » par le ministère de la culture.
Les premières investigations ont révélé un secteur public à l’est (secteur 1), en bordure des quais du Rhône. Au moins 6 états ont pu être mis en évidence. Le premier correspond à une occupation du secteur encore mal perçue et caractérisée par des bâtiments sur poteaux et des fosses/foyers. Les investigations ont révélé un quartier entier de la ville romaine de Vienne où se mêle espaces publics, riches demeures et espaces artisanaux. Un premier espace public est aménagé dans la seconde moitié du Ier siècle, sans doute en même temps que le pont sud de Vienne. Ce complexe public prend la forme de séries de boutiques (tabernae) dédiées à la production artisanale (métallurgie, vente de denrées alimentaires, etc...) et situées en arrière d’un puissant portique qui entoure une place de 2500 m² dotée d’un bassin d’agrément. Un réseau hydraulique complexe vient compléter ces aménagements et permet le nettoyage des tabernae et le drainage de la place. Un entrepôt est également édifié sur la place. Incendié au début du IIe siècle, il est encore plein des marchandises qu’il contenait : cruches et amphores à vin de la vallée du Rhône. Cet ensemble architectural correspond sans doute à une place de marché de 4500 m² entourée de boutiques dédiées à la production artisanale. Destiné à accueillir les marchands itinérants qui venaient vendre leurs productions, cet espace peut être considéré comme le premier caravansérail identifié en Gaule. L’incendie qui a détruit cet ensemble a permis de préserver les sols du rez-de-chaussée et des étages effondrés, ainsi que le mobilier abandonné en place lorsque les occupants ont fui la catastrophe, transformant ce secteur en une véritable petite Pompéi viennoise.
Cet ensemble architectural peut être considéré comme le premier caravansérail identifié en Gaule.
À la suite de l’incendie violent qui ravage le quartier au début du IIe siècle, un nouvel édifice public vient supplanter la place de marché. Il est constitué d’une fontaine monumentale disposée au centre d’une place bordée de portiques/basiliques (20 m de large) soutenus par de puissants piliers. Ce complexe, qui se développait en bordure du Rhône sur une superficie de près de 7000 m2, correspond sans doute à une schola qui accueillait probablement une école philosophique et/ou rhétorique déjà connue à Vienne par les inscriptions, mais jamais localisée.
Au IVe siècle, le complexe monumental est abandonné et un grenier sur plancher et vide sanitaire est implanté dans la partie nord-ouest du secteur. Il semble rattaché à un édifice plus vaste se développant au nord, hors de l’emprise de fouille. Enfin, une nécropole du haut Moyen Âge comprenant une quarantaine de sépultures constitue la dernière trace d’occupation du site.
La voie de Narbonnaise, édifiée par Agrippa autour des années 10 av. J.-C., limite cette opération à l’ouest. Elle est pavée de larges dalles de granite et longée par un portique monumental ouvrant sur des espaces à destination économique et artisanale se développant sur trois étages découverts effondrés en place. En fond de parcelle, La maison de Thalie et Pan (secteur 4) est organisée autour de deux péristyles. Ce complexe, qui se développait en bordure du Rhône sur une superficie de près de 7000 m2, correspond sans doute à une schola qui accueillait probablement une école philosophique et/ou rhétorique déjà connue à Vienne par les inscriptions, mais jamais localisée. une trentaine de pièces. Elle a été reconnue dans son intégralité et nous livre une décoration soignée, comme en témoigne la découverte d’une vingtaine de mosaïques et de sols en marbres. Le pavement d’un cubiculum (bureau) de 16 m² constitue sans doute le plus bel exemple puisqu’il est doté d’une mosaïque dont le médaillon central représente l’enlèvement de Thalie, la muse de la comédie, par Pan, une divinité de la suite bachique.
Une seconde domus (demeure aristocratique) organisée autour d’un vaste jardin est en cours d’exploration plus au nord (secteur 5). Elle a été détruite par un incendie dans la première moitié du IIe siècle, préservant sa riche décoration ainsi que ses étages effondrés sur les sols du rez-de-chaussée. Le péristyle est bordé de galeries ouvertes sur un jardin avec un bassin à abside et couvertes d’une terrasse au sol mosaïqué effondrée en place. Son triclinium (salle de banquet) est décoré d’une mosaïque du Ier siècle représentant les fameuses bacchanales, cortège de bacchantes et de satyres enivrés autour de Bacchus, illustrée par 15 tableaux. Après l’incendie, la parcelle est abandonnée et transformé en sanctuaire. Un temple de plan italique est édifié en fond de parcelle alors qu’une cour de 1500 m² donne sur la voie de Narbonnaise. Une base maçonnée découverte dans cette cour correspond à la base de l’autel autour duquel s’effectuait les cérémonies religieuses en l’honneur d’une divinité pour l’instant inconnue. Signalons toutefois la découverte dans les ruines du temple d’une médaille en bronze frappé en 191 apr. J.-C. et offerte par l’empereur Commode en personne. Elle pourrait appartenir à l’un des prêtres, voir constituer un cadeau lors de la fondation du sanctuaire, peut-être dédié au culte de la famille impériale.
Enfin, les abords de la voie de Narbonnaise sont bordés par un portique monumental donnant sur des immeubles de rapport particulièrement bien préservés (secteur 6). Les incendies successifs et l’encaissement de ces édifices par rapport au quartier ont permis de préserver leur élévation sur près de 1,60 m, avec plus de 3 m de stratigraphie couvrant presque trois siècles d’occupation. Ces espaces constituent une occasion unique de documenter avec précision l’architecture, les activités économiques et domestiques, ainsi que le mobilier employé dans ces édifices, qui devaient constituer l’essentiel des bâtiments domestiques des grandes villes antiques.
Articles presses déjà parus :
- Reportage, France 3, Emission « 9h50 le matin » du 13/06/2017, région Rhône-Alpes/Auvergne.
- Article Dauphiné, édition du 16/06/2017, p.11.
- Article Progrès, édition du 17/06/2017.
- Reportage Journal France 3 du 17/06/2017, édition régionale.
- Article Dauphiné, édition du 22/07/2017, p.08.
- Article Le Point, Une "Pompéi viennoise" découverte au bord du Rhône, AFP Publié le 01/08/2017
- Reportage Journal France 3 du 01/08/2017, édition régionale, voir à la minute 14.05