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Clos de la solitude, les Maristes

Coordination scientifique : Benjamin Clément

Lyon 5e

Le Clos de la Solitude, situé sur le versant septentrional de l’éperon de Fourvière, dans un cirque naturel exposé plein nord, est riche en vestiges archéologiques qui se développent en terrasse jusqu’à la Saône. Occupé au XIXe siècle sur sa partie ouest par les religieuses de Saint-Joseph (depuis 1824) et à l’est par les Soeurs Saint-Charles, le clos est racheté au début des années 1960 par l’école Sainte-Marie qui décide d’y implanter son externat. Aucune découverte archéologique n’a été mentionnée dans ce secteur avant la construction, à partir de 1962, de salles de cours et d’un terrain de sport. Cette entreprise a été l’occasion d’investigations archéologiques menées à l’initiative des pères Maristes, notamment par le Père Jacolin, secondé par M. J. Cote, et leurs élèves. Le Touring Club de France a également participé à cette opération à partir de 1963.

Les fouilles menées dans les années 1960 ont permis de dégager plusieurs ensembles de vestiges d’habitat/artisanat particulièrement bien conservés, organisés en terrasse et suivant deux orientations différentes. Notons que le mur de terrasse
(« grand mur est ») découvert dans la partie orientale du site, et conservé sur au moins 5 m en élévation, semble marquer la limite entre ces deux orientations. Ainsi, un vaste quartier d’habitation organisé en terrasses et probablement occupé entre le changement d’ère et la fin du IIIe siècle apr. J.-C. a été mis au jour lors des différentes opérations. Dans la partie sud, il comprend un ensemble d’îlots urbains étagés et organisés autour d’une voie bordée d’au moins un portique sur son côté sud. Ces îlots sont principalement occupés par des vestiges d’habitat, caractérisés par la présence d’au moins deux « domus à atrium » et d’une domus avec un hortus agrémenté d’un nymphée (fontaine). Un réseau de canalisations évacuant les eaux de l’îlot sud en direction de la voie a été mis en évidence. Ces canaux semblent converger vers un collecteur central disposé sous la rue et présentant un pendage vers l’ouest.

De l’autre côté de la rue, l’îlot nord n’a été exploré que partiellement. La partie centrale livre quant à elle un ensemble de murs de terrasse associés aux vestiges de pièces hypocaustées qu’il est difficile d’interpréter en raison de l’aspect lacunaire des découvertes. La terrasse orientale, marquée par le « grand mur est », livre également des vestiges à caractère domestique avec la présence d’une quatrième domus, la maison à l’Hippocampe. Cette dernière est particulièrement bien conservée et a livré une partie de sa décoration encore en place (fresques et sol en béton décoré).

Enfin, la partie nord de la parcelle, faiblement explorée, n’a permis de reconnaître que quelques rares tronçons de maçonnerie, sans pouvoir les rattacher à une occupation particulière. Deux dépotoirs, découverts au pied des murs de terrasse ont permis de récolter une grande quantité de mobilier archéologique localisé, mais malheureusement hors contexte stratigraphique.

Malgré l’importance des vestiges dégagés lors des différentes opérations, notre connaissance de ce secteur reste extrêmement limitée. Les quelques publications à notre disposition sont assez succinctes quant à la description des vestiges et ne présentent pas d’étude globale du mobilier permettant de dater ces découvertes.
Quant aux rapports de fouilles, ils livrent quelques informations plus ou moins précises pour les travaux entrepris dans les années 1960, qui n’appliquaient pas encore les principes de la fouille stratigraphique. Notons qu’une synthèse des fouilles a été publiée par J. Gruyer dans la Revue Archéologique de l’Est de la Gaule. En ce qui concerne l’opération préventive de 1994, l’absence de rapport de fouille, malgré une étude rapide du mobilier céramique, rend difficile la compréhension des vestiges et leur succession dans le temps.

Le projet de reprise du dossier du Clos de la Solitude est coordonné par B. Clément, doctorant au Laboratoire et s’organise en deux parties. La première est menée par une équipe de chercheurs d'origines diverses : Laboratoire Archéométrie - UMR 5138 (C. Batigne-Vallet ; C. Brun), de l’Université Lyon 2 (J.-C. Béal ; L. Robin ; L. Guillaud ; E. Vigier ; C. Chomer), du Service Archéologique de la Ville de Lyon (E. Bertrand) ainsi que de la société Archéodunum (T. Silvino ; T. Argant ; V. Rault) qui entreprend depuis l’automne 2011 l’étude du mobilier issu des fouilles anciennes. Cette phase « mobilier », permet de traiter les opérations antérieures et de préparer la seconde partie du projet. L’étude du mobilier aboutira à une publication exhaustive (à l’horizon 2014/2015), ainsi qu’à réalisation de la nouvelle muséographie du musée de fouilles Puylata, situé au 4 Montée St-Barthélémy (Lyon 5e), dans le cadre sa remise en état par l’École Sainte-Marie.

La seconde partie du projet « Solitude » a pour objectif la réouverture de fouilles sur le site du Clos de la Solitude. Ce projet de sondages archéologiques est proposé dans le cadre de la thèse de doctorat de B. Clément, qui porte sur l’architecture domestique à Lugudunum dirigée par M. Poux et A. Desbat, à l’Université Lumière Lyon 2. Ils auraient pour objectif d’étudier de manière exhaustive les matériaux et les modes de construction utilisés pour la mise en œuvre des bâtiments en partie dégagés dans les années 1960, dans le cadre d’une fouille programmée réalisée par le personnel de l’école. Il permettrait également de proposer un phasage du site afin de faire le lien avec le mobilier hors contexte issu des fouilles anciennes.

Cette opération va permettre d’effectuer des relevés précis des maçonneries – aussi bien en terre crue que liées au mortier de chaux – et des sols, avec pour finalité la mise en place d’une typologie de la construction sur un site encore inédit et qui présente un excellent état de conservation.


En parallèle, des prélèvements de matériaux de construction – mortier, terres cuites architecturales, moellons et pierres de taille – seront systématiquement effectués afin d’apporter des informations sur les sources et l’évolution de l’approvisionnement des chantiers de construction antiques lyonnais.

Enfin, la dernière approche consistera à observer et documenter l’évolution du plan et des aménagements internes de deux domus importantes, situées dans un quartier de la colonie jusqu’alors peu exploré. Les résultats obtenus à l’issue de cette campagne de sondages seront confrontés aux autres sites constituant mon corpus (rue des Farges, Verbe-Incarné, Antiquaille, Pseudo-sanctuaire de Cybèle...) ce qui devrait apporter des informations nouvelles sur l’évolution des techniques et des matériaux, et plus largement sur l’histoire de la construction domestique à Lugudunum.

Légendes des photos :
. Détail de l'enduit peint de la maison aux Fresques. © DR
. Mobililer de toilette. © DR
. Enduit peint, détail. © DR
. Mobilier du musée Puylata. © C. Batigne Vallet
. Oscillum. © DR

Publication :

CLEMENT B. (dir.), VIGIER Elise, BATIGNE-VALLET Cécile, ARGANT Thierry, BEAL Jean-Claude, BELLAVIA Valenna, BOISSARD Emmanuelle, BRUN Céline, GALLIEGUE Arnaud, GUICHARD-KOBAL Lisa, NICOT Rodolphe, RAULT Vincent, ROBIN Laudine, SARTRE Capucine, VALFORT Pauline, LYON, le quartier antique du Clos de la Solitude (5e arr.), Rapport de fin d'opération, DRAC Rhône-Alpes Service Régional de l’Archéologie, 2014.

C. Batigne-Vallet, C Brun, J.-M. Degueule, C Thioc. Mus´ee Puylata C´eramiques communes. Rapport 2013. 2014. <halshs-01110803>