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Savigny : l'abbaye et ses territoires

Le PCR "Savigny : l'abbaye et ses territoires", coordonné par Olivia Puel, est consacré à l'un des principaux monastères de l'ancien diocèse de Lyon. Hébergé par le laboratoire ArAr "Archéologie et Archéométrie" et financé par le Service Régional de l'Archéologie Auvergne-Rhône-Alpes, il réunit depuis 2009 une douzaine de chercheurs en histoire, liturgie, archéologie ou histoire de l'art autour de problématiques communes mais abordées au moyen de sources nombreuses et variées. Il fera l'objet d'un colloque conclusif intitulé Saint-Martin de Savigny. Un monastère lyonnais et ses territoires et organisé, en novembre 2018, aux Archives du département du Rhône et de la métropole de Lyon.

Située à 26 km au nord-ouest de la cité, l’abbaye bénédictine Saint-Martin de Savigny (Rhône) fut l’un des principaux établissements religieux de l’archidiocèse de Lyon. Sensible à certaines influences spirituelles, comme celle de Cluny au Xe ou au XIe siècle, liée à d’autres monastères par des communautés de prières à partir du XIIIe siècle, elle n’en resta pas moins toujours indépendante des grands ordres qui se développèrent au Moyen Âge. Son vaste patrimoine, constitué pour l’essentiel entre le IXe et le XIe siècle sur la partie occidentale de ce territoire, s’est structuré autour d’une quinzaine de prieurés ruraux, mais son influence déborda du cadre diocésain aussi bien du côté du royaume capétien (diocèses de Mâcon, Clermont et Saintes) que du côté du royaume de Bourgogne (diocèses de Genève, Lausanne et Die), grâce aux liens noués, à une époque, avec la grande aristocratie. D’un point de vue féodal, l’abbaye fut l’une des grandes puissances régionales, avec l’Église de Lyon, les comtes de Forez et les sires de Beaujeu. Elle représenta d’ailleurs, jusqu’au XIIIe siècle, un enjeu stratégique majeur pour ces trois ambitieux voisins, du fait de sa localisation aux confins de leurs zones d’influence respectives.

Riche d’une histoire quasi millénaire – de sa fondation, au début du IXe siècle, à sa suppression, à l’aube de la Révolution française –, Savigny n’a pendant longtemps suscité qu’un intérêt limité. Le démantèlement des édifices monastiques, consécutif à leur vente comme biens nationaux, puis le discrédit jeté au XXe siècle sur le cartulaire, qui constitue la seule véritable source d’informations sur les premiers siècles de l’abbaye, ont largement contribué à détourner l’attention des archéologues et des historiens, focalisée sur les églises de la cité de Lyon ou sur des monuments mieux préservés. L’existence de vestiges in situ, si difficiles soient-ils à percevoir, et la conservation d’un important fonds archivistique, désignent pourtant Savigny comme un objet d’étude privilégié tant pour l’histoire du mouvement monastique en Lyonnais que pour la compréhension de l’origine et de l’évolution du territoire régional.

Aussi de nouveaux travaux, nourris du renouvellement récent des problématiques archéologiques et historiques, ont-ils été entrepris dans les années 2000 avant d’être fédérés au sein d’un programme collectif de recherches (PCR), hébergé par le laboratoire ArAr. Archéologie et Archéométrie et financé par le Service Régional de l’Archéologie de la région Rhône-Alpes. Interinstitutionnel et interdisciplinaire, ce groupe a officiellement réuni, depuis 2009, des archéologues, des historiens, des liturgistes et des historiens d’art autour de cinq thématiques complémentaires.

Le premier thème concernait les origines du monastère, difficiles à cerner en l’absence de toute documentation. Si la datation carolingienne de la fondation est aujourd’hui admise, les origines de l’abbaye souffrent en revanche de l’absence de données directes. C’est finalement en élargissant la réflexion au site d’implantation qu’a pu être suggérée l’hypothèse d’une fondation sur les terres d’un établissement antérieur important.

© Céline Bon, ENSAL, laboratoire MapAria
Vue aérienne du site de l’abbaye de Savigny, au sud-est du village actuel © Céline Bon, ENSAL, laboratoire MapAria

Le second thème avait pour objectif de déterminer l’histoire monumentale de chacun des édifices monastiques de Savigny qui, en dépit des travaux d’histoire de l’art sur la collection des sculptures romanes, sont restés largement méconnus jusqu’à l’aube du XXIe siècle. Depuis 2006, les opérations archéologiques menées sur le site ont permis de restituer en plan les églises et les bâtiments communautaires, pour les époques carolingienne, romane et moderne, soulevant ainsi de nouvelles interrogations sur la spiritualité savinienne.


Église Sainte-Marie de Savigny photographiée par Amédée Cateland avant sa destruction (début XXe siècle) (Musée Gadagne, non inventorié)

Les manuscrits liturgiques conservés aux Archives départementales du Rhône, au premier rang desquels figure un ordinaire du XIIIe siècle, constituaient la matière essentielle des recherches menées dans le cadre du troisième thème. Ils ont fourni l’occasion d’entrevoir le quotidien des moines saviniens et le déroulement des cérémonies religieuses, mais aussi d’affiner la connaissance de l’espace monastique.


Livre des bénédictions et des cérémonies de Benoît Mailliard (1491) ©Arch. dép. Rhône, 1 H 27/2, fol. 1)

Le quatrième thème envisageait les modalités et les conséquences de l’implantation monastique à différentes échelles : au voisinage de l’abbaye d’abord, où elle donna bientôt naissance à une agglomération et à une paroisse ; dans un périmètre élargi ensuite, au cœur de la baronnie organisée, au XIVe siècle, autour de trois pôles, religieux à Savigny, politique à Sain-Bel, économique à l’Arbresle ; puis dans le reste du diocèse, où la gestion des possessions foncières commandait la création de prieurés ; dans des régions éloignées enfin, où l’existence de quelques « îlots » saviniens, nés de donations substantielles, dessinait une ébauche de réseau monastique.

© Christian Gensbeitel, MCF histoire de l’art médiéval
Église de l’ancien prieuré de Bouteville (Charente) © Christian Gensbeitel, MCF histoire de l’art médiéval (IRAMAT, Bordeaux)

Le cinquième thème traitait enfin de la perception de l’abbaye par les savants, depuis les XVIIIe-XIXe siècles. La conservation de nombreuses archives liées à la suppression du monastère ou aux travaux des érudits a effectivement favorisé une approche épistémologique de l’historiographie savinienne, qui s’est révélé très riche.

 © Arch. dép. Rhône, fonds Galle, ms 28, fol. 47
Récit d’une promenade à Savigny, par Léon Galle, le 15 octobre 1890. © Arch. dép. Rhône, fonds Galle, ms 28, fol. 47